23 juillet 2012

Du temps de Lemberg



Marcel Frischmann, Simplicissimus, 5 juin 1932


Écoutons Joseph Roth (Lemberg, la ville, dans le Frankfurter Zeitung du 22 novembre 1924) :
« Je pourrais décrire des alignements de maisons, des places, des églises, des façades, des portails, des parcs, des places, des familles, des styles architecturaux, des autorités, des monuments. Mais cela ne saurait pas plus permettre de rendre compte de l’essence d’une ville que l’indication d’un certain nombre de degrés, sur un thermomètre centigrade, ne pourrait permttre de me faire une idée du climat qui règne dans une région. Il faudrait pouvoir décrire avec des mots : la couleur, l’odeur, la douceur, la densité de l’air, autant de choses qu’on appelle “atmosphère”, faute d’une dénomination convenable. Certaines villes sentent la choucroute, et le baroque n’y peut rien. Je suis arrivé un dimanche soir dans une ville de l’est de la Galicie. la rue principale était bordée de maisons quelconques. Les habitants étaient des commerçants juifs, des paysans ruthènes, des fonctionnaires polonais. Les trottoirs étaient inégaux et la chaussée une chaîne de montagnes en miniature. Les égouts étaient défectueux, et, dans les rues élégantes, du linge séchait, rayé de rouge, bordé de bleu. On s’attendait à trouver une odeur d’oignon, des intérieurs poussiéreux, des traces de vieille moisissure. 
Eh bien, non ! La promenade se déroulait de façon obligée dans la rue principale. Le costume des hommes était d’une élégance naturelle et sobre. Les jeunes filles se déplaçaient par bandes, comme des hirondelles, avec grâce et souplesse, sans hésiter. Un mendiant à la mine enjouée s’excusa avec distinction, et me demanda l’aumôme ; il regrettait, me dit-il, d’avoir à m’importuner. On entendant parler russe, polonais, roumain, allemand, yiddish. On était dans une succussale du grand monde. Et pourtant, il n’exsite dans cette ville ni musée, ni théâtre, ni journal, mais une « école de la Thora et du Talmud », d’où sortent savants européens, écrivains, philosophes des religions, et aussi mystiques, rabbins, propriétaires de magasins. » 
Et des dessinateurs comme Marcel Frischmann. 


Marcel Frischmann, Simplicissimus, 25 septembre 1932

Né en 1900 à Lemberg (désormais Lviv en Ukraine, après avoir été en alternance Lvov en URSS, et Lwów en Pologne au cours du XXe siècle), fleuron de la Galicie de l’empire austro-hongrois, un des emblèmes du « Yiddishland », Marcel Frischmann dut s’exiler à l’arrivée des nazis sans que le Simplicissimus ne s’en émeuve particulièrement, bien que son fondateur Th.Th. Heine ait dû suivre le même chemin au même moment.
Il mourut à Londres en 1952.



Marcel Frischmann, Simplicissimus, 1er janvier 1933

Marcel Frischmann, Simplicissimus, 12 mars 1933

Ultime dessin de Marcel Frischmann pour le Simplicissimus, 1er avril 1933



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