18 mars 2012

Du côté de Panaït Istrati





Depuis les prémices de Trente, j’espère croiser Panaït Istrati le Roumain autodidacte qui écrivait des romans balkaniques en français, violents et généreux, que j’ai tant lus dans les années quatre-vingt. La proximité avec Babel m’y conduit. Pourtant il ne semble pas s’être rencontrés. Pourtant ils ne se sont sûrement pas évités, l’un comme l’autre dans la mouvance de Gorki, bien que Panaït Istrati fût à Moscou pour les festivités du dixième anniversaire de la révolution d’Octobre, où débuta l’amitié avec Nikos Kazantzakis, alors que Babel séjournait en France. Parmi les cent métiers qu’il exerça peu ou prou, il fut photographe ambulant sur la promenade des Anglais, et plus durablement peintre en bâtiment.


Avec Nikos Kazantzakis

Quand Istrati débarque à Odessa en mars 1928 après un crochet par la Grèce d’où il est expulsé, Babel ne s’est pas encore résolu à quitter la France.
C’est Boris Souvarine, en les associant dans ses souvenirs, qui les relie.


Panaït Istrati est cloué au pilori après son retour d’URSS en 1929, après qu’il a écrit Vers l’autre flamme où il ne cache rien de ce qu’il a vu, l’effondrement d’une espérance, alors qu’il était parti pour y rester, avec Kazantzakis, horrifié par la situation « terroriste » grecque. 
« Ce fut seulement pendant les trois derniers mois de mon séjour … que le charme se rompit, que le voile tomba brusquement et que la situation réelle, absolument évidente pour tout homme de bonne foi, s’imposa à moi dans toute sa cruauté. »
L’écrivain « révolutionnaire et prolétarien » fut accusé alors d’être le suppôt des Croix fléchées, les fascistes roumains, entre autres forfaitures, par un aréopage accusateur dont se dégage la figure d’Henri Barbusse en procureur calomniateur — lui-même en difficulté, sa revue Monde étant soupçonnée de trotskysme, il avait à se faire pardonner —, alors que Gorki se taisait, et que son cher ami Romain Rolland, son mentor, à qui il avait écrit « Ami, j’ai cassé la vaisselle », sans l’accabler publiquement (il se désolidarise dans son Journal de cette exécution publique), reste indéfectiblement aligné sur Moscou pour ne pas donner de grain à moudre aux ennemis du peuple, sera à jamais convaincu qu’Istrati avait commis de « graves erreurs de conduite politique, qui lui ont fait tort à la fin de sa vie, et que j’ai déploré dans les dernières lettres que je lui ai écrites ». 



Panaït Istrati meurt en 1935, à 51 ans, des suites d’une tuberculose.
L’Humanité écrit qu’il est mort « dans la peau d’un fasciste ».










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